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A Vitré, des soins “suspendus“ pour les plus démunis

Dernière mise à jour : 16 oct. 2023

Grâce à la générosité de ses clientes, une masseuse professionnelle dispense gratuitement des soins à des femmes en précarité. Sur le modèle des pains ou des cafés « suspendus ».



« Il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade ». Pour faire mentir cet adage, une ancienne secrétaire juridique, devenue masseuse professionnelle, a décidé d’ouvrir gratuitement son cabinet à des personnes en précarité, n’ayant ni les moyens, ni même l’idée, de s’offrir une séance de bien-être. « Depuis que je me suis reconvertie dans le massage, il y a une dizaine d’années, j’ai toujours eu à cœur de pouvoir prodiguer des soins à des gens dans le besoin, notamment aux personnes âgées », explique Béatrice Gay, installée depuis peu à Vitré (Ille-et-Vilaine). « J’ai commencé mon activité lorsque j’habitais en région parisienne, mais c’est ici que j’ai eu l’idée de lancer des soins suspendus. »


« Suspendu » fait référence à une initiative citoyenne, le « caffè sospeso » (café suspendu), lancée à Naples durant la Seconde Guerre mondiale. Elle consiste à commander un café et à en payer deux : un pour le commanditaire et un autre pour un client démuni qui en fera la demande. Cette tradition de solidarité envers les plus pauvres – encore pratiquée dans les bars napolitains – qui consiste à acheter en double, s’est depuis étendue à d’autres pays et à d’autres produits : une entrée pour un spectacle, un plat, un livre, un sandwich ou une baguette de pain. L'article est « suspendu », c’est-à-dire en attente. Une formule aujourd’hui appliquée aux soins de bien-être !


Massages des pieds ou du visage, massages assis ou « californien », réflexologie thaï, gommage classique… Dans sa boutique – le Cocon –, Béatrice Gay offre ses services, uniquement à des femmes, pour les aider à se relaxer, tout en profitant d'un lieu de détente et de convivialité, autour d'un thé ou d’un café. Sur chaque soin qu’elle dispense à ses clientes, elle retire systématiquement un ou deux euros qu’elle met de côté. La plupart des clientes qui connaissent le processus contribuent aussi à remplir la tirelire sous la forme de dons. La praticienne participe également à des festivals et à d’autres manifestations publiques où les gens, profitant des soins qu’elle prodigue, donnent ce qu’ils veulent dans un chapeau. Une manière aussi d’alimenter la cagnotte.


Cet argent mis de côté permet d’offrir gratuitement des soins aux femmes qui n’ont pas les moyens de se les payer. « Pour que le système fonctionne, il faut assurer aux clientes que la somme est bien utilisée », affirme Béatrice Gay. Pour cette raison, la professionnelle a établi un contact avec les Restos du cœur et avec le Centre communal d’action sociale (CCAS) qui connaissent leurs bénéficiaires. Ces organismes inscrivent les prénoms et les numéro de carte des personnes concernées pour être certains qu’elles en profitent. Quelques femmes trouvent étrange qu’on leur propose ce type de soin. « Elles sont toujours un peu réticentes au début car ce n’est pas dans leurs habitudes », confie Béatrice Gay. « Le massage n’est pas un soin facile à aborder. On ne va pas se faire masser aussi facilement qu’on va se faire coiffer ou faire soigner les ongles. C’est quelque chose que je constate même dans mon activité professionnelle. »


Mais une fois que les femmes viennent la voir, Béatrice entre avec elles dans une relation de confiance. « Elles se laissent faire car elles se rendent compte que ces massages leur font un bien fou ! » Lors du premier contact, les bénéficiaires appellent pour demander à profiter d’un « suspendu ». « Je comprends ce que ça veut dire », explique Béatrice Gay. « Elles viennent de manière discrète, comme les autres clientes, prendre un thé ou un café. On papote et on fait le soin. » Parmi elles, il y a de nombreuses jeunes femmes, parfois avec des enfants, mais aussi des personnes âgées. D’où l’idée d’établir un partenariat avec l’EHPAD de Vitré.


Pour ne pas trop impacter son activité, Béatrice limite les soins aux massages assis, de la tête et des pieds. « Ce sont des petits massages qui valent entre 15 et 25 € et durent de 20 à 30 minutes » , poursuit-elle. Pour les faire entrer dans le cercle d’aide et faire en sorte qu’elles ne pas se sentent pas assistées, les bénéficiaires sont invitées à donner 1 € symbolique. Béatrice Gay aimerait que d’autres commerçants de la ville suivent le mouvement et proposent eux-aussi des suspendus. « Je pense être la seule ou l’une des seules à faire cela dans le secteur », dit-elle. « Les cafetiers, les coiffeurs ou les boulangers pourraient facilement se lancer ! Ils verraient comment ça fait du bien de prendre soin des autres. »

Laurent Grzybowski

Publié le 28/11/2018 à 17h26, mis à jour le 30/11/2018 à 18h46


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